COMMUNIQUE DE PRESSE DE KOPAX EN REACTION A LA SORTIE MEDIATIQUE DU PRESIDENT PAUL KAGAME DU 17 MAI 20121

COMMUNIQUE DE PRESSE DE KOPAX EN REACTION A LA SORTIE MEDIATIQUE DU PRESIDENT PAUL KAGAME DU 17 MAI 2021

COMMUNIQUE No. 2021/003, du 22 mai 2021

Nous, artisans de la paix de KoPax, avons suivi avec une attention particulière l’interview du président rwandais Paul Kagame diffusée sur RFI et France24 le 18 mai 2021. Les propos tenus par Paul Kagame durant cette interview dépassent les limites de l’indécence voir de l’ignominie et appellent à une réaction ferme des Congolais épris de Paix et de Justice.

S’agissant de la question liée au rôle de son armée dans les crimes identifiés dans le Rapport Mapping de l’ONU, le président rwandais affirme « qu’il n’y a pas eu de crimes » dans l’Est de la RDC : « Absolument pas ». Il ajoute que ledit rapport est « très controversé et très politisé ». Il affirme que celui-ci fait l’objet d’une controverse même en RDC. Concernant ce premier point, il convient de rappeler succinctement que le Rapport Mapping est un document fouillé et basé sur des recherches rigoureuses réalisées par une équipe des Nations Unies composée d’une vingtaine de professionnels experts des droits humains et ce, sur une période de 12 mois. Le rapport liste et détaille 617 incidents de violations graves des droits humains et du droit humanitaire international – massacres de masse, violence sexuelle,…, survenus entre 1993 et 2003, sur toute l’étendue du territoire congolais. Le rapport souligne que les femmes et les enfants ont été les principales victimes de la plupart des actes de violence recensés et conclut que la majorité des crimes documentés peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Il ajoute que certains faits, si présentés devant un tribunal compétent, pourraient recevoir la qualification de « crimes de génocide »

Le Rapport Mapping n’est pas la seule investigation qui documente les crimes en RDC. On mentionnera ici, entre autres, le Rapport Garreton sur la situation des droits humains au Zaïre, accompagnée d’une lettre du Secrétaire General de l’ONU de l’époque, Koffi Annan, qui faisait observer, déjà en 1998, que « les tueries auxquelles se sont livrées l’AFDL et ses alliés, y compris des éléments de l’Armée Patriotique Rwandaise, constituent des crimes contre l’humanité, tout comme le déni d’une assistance humanitaire aux réfugiés rwandais hutus. Les membres de l’équipe pensent que certains des meurtres peuvent constituer des actes de génocide, selon l’intention qui les motivait, et ils demandent que ces crimes et leurs motifs fassent l’objet d’une enquête plus poussée »[1]. Comme l’observe Human Rights Watch qui publie aussi beaucoup de rapports sur les crimes en RDC, « dans de multiples cas, les propres conclusions de Human Rights Watch correspondent à celles du rapport de mapping de l’ONU ».[2]

Depuis 2003, des massacres, des viols, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont continué à être perpétrés par des groupes rebelles sur le territoire de la RDC, en particulier dans sa partie Est dans les Kivus. On mentionnera ainsi l’AFDL, le M23, le RCD, le CNDP et d’autres bandes armées dont la grande particularité est qu’elles ont été téléguidées ou commandées par le Rwanda, et dont certaines opèrent encore jusqu’à ce jour. Des crimes indescriptibles commis par ces différents groupes n’ont jamais cessés et sont toujours systématiquement commis en toute impunité. La main du Rwanda ne peut être exclue de la commission de ces atrocités dès lors que des éléments de son armée opère sur le sol congolais, tel que l’a bien confirmé le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU, rendu public le 23 décembre 2020[3]. On comprendra aisément pourquoi l’éventualité de la mise en œuvre des recommandations du Rapport Mapping, notamment la création d’un tribunal pénal international pour juger les crimes commis au Congo, suscite des réactions des autorités rwandaises ; lesquelles semblent ne pas avoir d’autres moyens de défense que le déni, les menaces ainsi que la ruse.

Ainsi, au lieu de préparer des éléments de défense, on s’étonne que les autorités politico-militaires rwandaises soient principalement et de manière persistante à la base des controverses visant à saper la crédibilité du Rapport Mapping. En effet, ce dernier expose moult détails sur l’implication des forces armées rwandaises dans les crimes commis en RDC entre 1993 et 2003. Outre sa tentative de décrédibiliser le Rapport Mapping, le président Kagame est allé jusqu’à soutenir qu’il y aurait « des rapports publiés qui disent l’inverse », c’est-à-dire qui soutiennent sa thèse de l’inexistence des crimes identifiés par le Rapport mapping.  Paul Kagame n’a avancé aucune source crédible, aucuns rapports, qui contrediraient les faits documentés dans le Rapport Mapping, ni même les organisations qui les auraient réalisés.

Par ailleurs, s’agissant du Prix Nobel de la Paix, le président rwandais prétend que « Dr Mukwege est le symbole, un outil, de ces forces que l’on n’aperçoit pas …on lui dit quoi dire ». Faut-il le rappeler que le Dr Denis Mukwege vit avec les populations victimes depuis les débuts des incursions armées ? Avec le recul d’un praticien et d’un scientifique, ses prises de position puisent leurs racines dans cette réalité de la tragédie congolaise contre laquelle il tente de lutter tous les jours.

Nous rappelons le combat du Dr Denis Mukwege, en faveur de l’humain et des droits des femmes et nous rappelons surtout sa présence comme soigneur des victimes de violences sexuelles. Aucune personne de bonne foi ne pourrait nier la triste et tragique réalité des femmes victimes de viol qui sont soignées à l’Hôpital Panzi, non seulement par le Dr Denis Mukwege, mais aussi par des praticiens étrangers comme le Pr. Guy-Bernard Cadière, qui pratique également ces chirurgies réparatrices compliquées sur des victimes des pires sévices sexuels. Ce travail exceptionnel a été reconnu dans le monde entier et lui a valu les nombreux prix qui lui ont été octroyés ces vingt dernières années, dont le Prix Nobel de la Paix 2018.

Le président Kagame s’adressait visiblement à un public dont il sous-estimait l’intelligence ou surestimait la naïveté en espérant pouvoir décrédibiliser le Dr Mukwege, faisant de même, au passage, avec les organisations et les personnalités ayant recommandé sa candidature au Comité Nobel.  Le Dr Mukwege a reçu le Prix Nobel de la Paix en reconnaissance (internationale) de son combat contre les violences faites aux femmes en RDC et partout dans le monde. Cette reconnaissance par le Prix Nobel de la Paix a été précédée d’autres prix comme, le prix Olof Palme en 2008, le prix Sakharov pour la liberté de pensée en 2014, ainsi que les nombreuses distinctions doctoris honoris causa de plusieurs universités prestigieuses à travers le monde ou le titre de chevalier de la légion d’honneur de la République française, pour ne citer que ceux-ci. Le monde entier ne peut pas se tromper sur une telle personnalité ainsi que sur la justesse de la cause qu’il continue à défendre. C’est sur cette base aussi que le Dr Mukwege réclame la justice, prérequis sans lequel il ne peut y avoir de paix durable en RDC, un pays gangréné par l’impunité des bourreaux encore aux commandes des institutions publiques dans la sous-région des grands-lacs. Le Dr Mukwege est avant tout un scientifique qui s’appuie sur des expériences humaines réelles, vérifiables, et documentées par des organisations locales et internationales, notamment l’ONU. Comme Nelson Mandela, également Prix Nobel de la Paix qui réclama en son temps la justice, la paix et la réconciliation pour l’Afrique du sud ; le Dr Mukwege ne fait que poursuivre une mission hautement honorable qui ne peut qu’être saluée et encouragée, excepté pour ceux qui n’ont pas la conscience tranquille et qui cherchent à éluder leurs responsabilités.

A la lumière de ce qui précède, nous, Artisans de la Paix au sein de KoPAX :

▪ Réitérons notre soutien et entière confiance au Dr Denis Mukwege, dont la détermination, le courage et les actions en faveur de la paix et de la justice génèrent en nous, membres de KoPax, un profond respect.

▪ Rappelons à l’opinion publique, nationale et internationale, l’exigence de constater par elle-même le degré de mépris de certains acteurs régionaux et nationaux dans le déni inacceptable des crimes qui se déroulent en RDC depuis près de 25 ans.

▪ En appelons à l’urgence de mettre en place un Tribunal Pénal International pour la RDC, seule instance en mesure de conduire des enquêtes indépendantes et impartiales et de juger les présumés responsables congolais et étrangers pour les crimes commis dans ce pays sur une période de 25 ans.

▪ Lançons un appel à la mobilisation et à des manifestations pacifiques afin de réaffirmer à la fois notre solidarité aux victimes de la barbarie humaine passée et en cours sur notre sol ainsi que notre rejet ferme du déni des crimes commis en RDC. A cet égard, nous appelons à des actions de boycott des produits rwandais ainsi que des services tels que RwandAir et d’autres.

▪ Relançons notre appel pour l’émergence d’un Etat congolais responsable et non assujettis à des armées étrangères. Dans l’entretemps, nous exigeons le départ immédiat des troupes rwandaises présentement en opérations secrètes à l’est du pays. En effet, l’Etat congolais ne peut plus justifier d’une telle présence après le déni des crimes commis sur notre sol par le commandant en chef de cette même armée rwandaise. Pire encore, le déni des crimes que connait la RDC affecte surtout le moral des soldats des FARDC, particulièrement ceux présentement engagés dans les opérations liées à l’état de siège à l’est du pays. C’est une humiliation de plus que de vouloir associes nos soldats a ceux du Rwanda dont le commandant en chef nie l’existence des crimes commis sur notre sol. Par conséquent, l’acte de trahison ou l’idée qui consiste à associer les troupes rwandaises aux opérations de l’état de siège en cours doit définitivement être enterrée. Ceux qui nient les crimes dont notre peuple est victime ne peuvent pas se présenter comme des partenaires de la sécurisation de notre pays.

▪ Invitons les peuples du Congo, dans le cadre de la mission de notre nation tout entière, à davantage de combativité et de solidarité autour des nobles valeurs de Vérité, de Justice et de Paix.

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Pour plus de renseignements, prière de contacter :

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Mme Nita Evele : pres3.kopax@gmail.com

Prof. Alphonse Maindo :  pres2.kopax@gmail.com

Prof. Jean-Claude Maswana : pres1.kopax@gmail.com

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[1] Voir Conseil de Sécurité, S/1998/581 du 29 juin 1998)

[2] Human Rights Watch : RD Congo: Questions et réponses sur le rapport Mapping, octobre 2010.

[3] Rapport de mi-mandat du Groupe d’experts ONU S/2020/1283, 23 décembre 2020.

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