DECLARATION No. 2021/004, du 23 août 2021
VOTER NE SUFFIT PAS
Les périls passés, présents et ceux qui nous menacent collectivement ou individuellement font dire à beaucoup de Congolais que le salut individuel comme celui de notre nation ne peut se réaliser que dans la tenue des élections libres et transparentes.
Depuis le dialogue intercongolais et la signature de l’Accord global et inclusif et les élections de 2006, les Congolais n’ont cessé de voir le passage aux urnes comme à la fois une voie de résolution des crises récurrentes de légitimité en refondant le pacte social et une promesse renouvelée d’enraciner la démocratie dans le pays. Cependant, chaque scrutin depuis ces consultations populaires, considérées comme les premières élections libres, n’a cessé de mettre en lumière le profond malentendu qu’il existait entre le peuple et ses gouvernants à ce propos. De façon systématique et manifeste, et jusqu’à aujourd’hui, les urnes n’ont jamais reflété la volonté du peuple. Chaque élection a été entachée par la fraude plus ou moins massive et a donné lieu à des contestations, voire à des affrontements sanglants.
Malgré la confiscation par les tenants du pouvoir du suffrage populaire et en dépit des violences physiques entourant les élections, une narration s’est peu à peu installée au niveau international comme au niveau national qualifiant le Congo de jeune démocratie.
La théâtralisation du rituel démocratique que sont les élections et le dépôt du bulletin de vote est devenue la condition nécessaire et suffisante pour arguer qu’il existe une vie démocratique congolaise. Dès lors, ce que l’on entend par démocratie au Congo, c’est une mascarade visant à confisquer le pouvoir par tous les moyens y compris par la fraude massive. Dans ces conditions, il n’est donc pas étonnant d’entendre depuis quelques jours des voix s’élever à Kinshasa, particulièrement, contre les manœuvres politiciennes du régime en place, issu lui aussi d’une fraude électorale jamais égalée, pour nommer le nouveau président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui sera chargé de proclamer les résultats des élections prévues en 2023. Point n’est besoin de rappeler le contrôle, par le même régime, de la Cour constitutionnelle dont une des missions est justement de proclamer les résultats électoraux définitifs.
Si la défiance face à la CENI est si manifeste c’est que cet organe d’appui à la démocratie agit comme cheville ouvrière des régimes successifs en place en ne proclamant pas les vrais résultats.
Par son rôle de « chien de garde » de l’illusion démocratique, cette CENI dissimule la nature tyrannique des régimes politiques en place qui dénient aux citoyens tout droit, toute liberté en en faisant de simples sujets du Prince. Elle produit, en outre, un écran de fumée sur la situation réelle du pays qui a pour conséquence un silence sur la guerre de basse intensité et d’agression que subit le Congo depuis deux décennies avec son corollaire de massacres, de pillages et de manque chronique de libertés dont souffre la population.
Les confessions religieuses animatrices de la CENI, catholiques et protestants, ainsi que les églises de réveil, sont aujourd’hui interpellées du fait de leur propension à « accepter l’inacceptable », contribuant ainsi à rétribuer les receleurs de la fraude électorale plutôt qu’à les en dissuader.
Il convient alors de rappeler que :
1) la crédibilité du scrutin requiert l’observation indépendante de toutes les étapes du processus ;
2) dans un pays pacifié, les débats sur la composition de la CENI, institution d’appui à la démocratie, transcenderaient les querelles des personnes et des ethnies pour le bien du peuple.
A la lumière de ce qui précède, et compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouvent les confessions religieuses, incapables de dégager un consensus sur un candidat à même de rassurer et de résister aux pressions des politiques, il apparaît clairement que le format actuel de l’agencement de cet organe d’appui à la démocratie ne fonctionne pas.
En premier lieu, nous proposons de considérer la désignation à la tête de la CENI d’une présidence collégiale à confier aux personnalités recommandées par les deux plus grandes confessions religieuses, à savoir la CENCO et l’ECC (les seules à être présentes sur l’ensemble du territoire national et à se prévaloir d’une expertise avérée en matière électorale). La présidence collégiale sera composée de quatre personnalités représentant les quatre espaces linguistiques nationaux.
Ensuite, il faudrait aussi re-instituer les missions et déploiement d’observateurs électoraux internationaux dont le rôle en matière de prévention des contestations des résultats est crucial dans le climat de méfiance actuel.
En sus, il est entendu que la population congolaise, particulièrement la société civile, doit demeurer “vigilante” face aux manœuvres de la classe politique dont les intentions de reproduire les parodies électorales de 2006, 2011, et 2018, sont évidentes. La population ainsi que la société civile doivent clairement signifier à la classe politique congolaise, ainsi que leurs parrains extérieurs, que la fraude électorale ne sera acceptée sous aucune forme que ce soit lors des prochaines échéances électorales.
Enfin, pour notre part, nous nous engageons à assumer notre responsabilité historique pour faire obstacle, par tous les moyens légaux, à toute parodie d’élections, quels qu’en soient les auteurs. Nous réaffirmons notre volonté inébranlable de réaliser l’aspiration du peuple congolais d’exercer pleinement son pouvoir souverain de choisir ses dirigeants.
Conscience Congolaise pour la Paix